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  • : Les mots invitent à leur traduction afin d'entrevoir sur le mode singulier de chacun cet "au-delà de la langue" si étonnant. La poésie illumine cette frontière.
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13 mai 2008 2 13 /05 /mai /2008 21:50


 

Le texte recopié ici me paraît des plus importants.

Il fut écrit par Agnès Aflalo pour son intervention au Meeting du 17 Mai 2008

organisé à Marseille

sous l'égide de l'École de la Cause freudienne (association reconnue d'Utilité publique par l'État), par l'Association de la Cause freudienne-Méditerranée-Alpes-Provence, le Collège méditerranéen de psychanalyse, la Section clinique d'Aix-Marseille (UFORCA), le Centre psychanalytique de Consultations et de Traitement-Marseille, le  CEREDA, le CIEN et l'InterCoPsychos

(10h-13h et 15h-18h) à la Faculté de Droit --110/114 La Canebière

Compter

La folie du comptage n’épargne plus rien ni personne. Dans nos contrées démocratiques, rien de sérieux qui ne soit chiffré. La moulinette des chiffres régente notre monde métré et paramétré, ausculté, et offert aux exigences démesurées d’un capitalisme atteint d’infantilisme chronique – le règne inconséquent du tout, et tout de suite, - et d’une science gangrenée par un scientisme populiste. Les sondages veulent gouverner un monde politique où la stratégie se calcule à coup de divisions d’audimat, et l’évaluation industrielle exige de dicter sa loi aux universités. La dépression, notre malaise d’aujourd’hui, ne vaut que par la quantité de déprimés, présents et futurs, dont elle peut faire état : les gendarmes en rivalité avec les policiers, la déprime du bistouri indiquant que les chirurgiens ne sont plus épargnés, le millions d’adolescents du Rapport Versini, les femmes battues et des maris trompés, etc, sans compter le blues du businessman, et les protestations d’un peuple de mécontents qui descend dans la rue. L’OMS annonce La dépression généralisée comme notre avenir incontournable. Seul, un discours ne cède pas aux sirènes du comptage : le discours analytique. Pourquoi ? Parce que la mesure est bonne pour l’objet, et mal pour l’humain. La mâle mesure de l’homme est récalcitrante à la folie du comptage. Plus, le formalisme chiffré veut mettre au pas toutes les sciences humaines, et plus le malaise s’accroît. Pourtant, la science, moderne, ne vaut que par son usage de la lettre, pas du chiffre. Et, c’est pourquoi, le sérieux est celui de la série, et non pas celui du chiffre. La psychanalyse montre que le sérieux tient à la qualité, et non pas à la quantité. Le signe le plus fugace de tristesse ou d’angoisse, d’amour ou de haine, de chaque passion de l’âme ne vaut que par sa qualité, par la qualité du réel dont elle est le signe. Notre civilisation l’oublie lorsqu’elle remplace la qualité par la quantité chiffrée à tout va comme seul gage de sérieux.

Classer

Dès qu’il s’agit de l’humain, rentabilité et mesure achoppent sur un obstacle : la jouissance. Elle objecte à l’utilité, et elle échappe aux mots. Une partie se laisse mettre en pièce par des lettres, et approcher par le comptage, mais, aussitôt, elle devient la croix du symptôme. La jouissance vient se loger dans la relation (intra et inter) humaine, et elle se met en travers de son fonctionnement. La jouissance comptable donne l’illusion que toute la jouissance pourrait virer à la comptabilité. Mais, dans l’économie de la jouissance, il y a toujours une division entre la part perdue après laquelle on court, et une part, déplacée, qui revient sous une autre forme, méconnue.

Notre civilisation, oublieuse de la différence du mort et du vif, répond au double impératif de rentabilité et de prétendue scientificité, aussi, elle traite les humains comme des objets. Elle peut ensuite les faire entrer plus facilement dans les classes à régenter. Mais la jouissance est rebelle au classement. Elle échappe à ses desseins et à ses calculs. Elle est, pour chacun, ce qu’il y a de plus singulier. Aussi, elle fait buter l’ordre de la taxinomie. Son universalisme triomphant a méconnu l’économie de la jouissance. C’est pourquoi, ce qu’elle impose de pressions fait retour comme dépression sans que la logique en soit jamais saisie. Notre civilisation méconnaît la part perdue de jouissance, et elle exclut la part mobile, toujours rebelle à ses calculs. Le remède imposé renforce la méconnaissance et ses impasses dont la forme la moins violente est l’exclusion.

Exclure

Chaque classe construite permet de compter, de classer, et d’exclure. Chaque fois, il s’agit de traquer la jouissance de l’humain qui refuse de se laisser domestiquer. L’exclusion laisse croire qu’il serait possible de régler ses comptes, une fois pour toute, avec la jouissance, qu’il serait possible d’en finir avec elle. Cette pastorale, lourde de lendemains qui déchantent, est démentie par les charniers de l’histoire. Et, il ne suffira pas de faire reprendre du service à la glande pinéale pour mettre le cerveau «optimiste» en zone sûre. L’exclusion ne cesse pas d’engouffrer toujours plus de classes : les bébés voleurs de cubes, les hyperactifs à incarcérer dès 11 ans dans les nouvelles prisons pour enfants, les moins productifs, les porteurs de tares plus ou moins génétiques, etc.

La psychanalyse ouvre une autre voie, celle d’une éthique où tout ne se vaut pas, où le désir, c’est la santé. Entre la géométrie du vivant et la science poétisée, il y a une place pour la psychanalyse.

 

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