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  • : Le blog de topotore
  • : Les mots invitent à leur traduction afin d'entrevoir sur le mode singulier de chacun cet "au-delà de la langue" si étonnant. La poésie illumine cette frontière.
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Fragment n° 283

La liberté, c'est la possibilité de s'isoler. Tu es libre si tu peux t'éloigner des hommes et que rien ne t'oblige à les rechercher, ni le besoin d'argent, ni l'instinct grégaire, l'amour la gloire ou la curiosité, toutes choses qui ne peuvent trouver d'aliment dans la solitude et le silence. S'il t'es impossible de vivre seul, c'est que tu es né esclave. Tu peux bien posséder toutes les grandeurs de l'âme ou de l'esprit ; tu es un esclave noble ou un valet intelligent, mais tu n'es pas libre.Et ce n'est pas toi qui es concerné par cette tragédie, parce que la tragédie d'être né ainsi ne te concerne pas, toi, mais seulement le Destin confronté à lui-même. Malheur à toi, cependant, si c'est le poids de la vie qui te contraint à être esclave. Malheur à toi si, né pour être libre, capable de te suffire à toi-même et de te séparer des hommes, la pauvreté t'oblige à vivre parmi eux. La voilà alors, ta tragédie, celle que tu emporte partout avec toi.

Naître libre est la grandeur suprême de l'homme ; elles rend un humble ermite supérieur aux rois, et même aux dieux qui se suffisent à eux-mêmes par la force, mais non par leur mépris pour elle.

La mort est une libération, car mourir c'est n'avoir plus besoin de personne. Le malheureux esclave se voit libéré, par force, de ses plaisirs, de ses chagrins, de cette vie désirée et interminable. Le roi se voit libéré de ses domaines, auxquels il ne voulait pas renoncer. Celles qui répandaient partout l'amour se voient libérées des triomphes qu'elles attendaient. Ceux qui ont vaincu se voient libérés de ces victoires auxquelles ils avaient consacré leur vie.

C'est pourquoi la mort ennoblit, et revêt d'atours inconnus ce pauvre corps absurde. C'est qu'il est libre désormais même s'il ne voulait pas l'être. C'est que désormais ce n'est plus un esclave, même si c'est en pleurant qu'il a perdu sa servitude. Tel un roi dont la plus grande gloire est son titre de roi, et qui, comme un être humain, peut être risible, mais qui, comme roi, est un être supérieur – à son tour le mort peut être monstrueux, mais il est supérieur, car le voici libéré par la mort.

Je referme, las, les battants de mes fenêtres, j'exclus le monde, et je connais, pour un instant, la liberté. Demain, je me retrouverai esclave ; mais en ce moment, seul et sans nul besoin de personne au monde, craignant seulement de voir quelque voix ou quelque présence venir m'interrompre, je connais ma petite liberté et mes instants de grandeur.

Bien installé dans mon fauteuil, j'oublie la vie qui me pèse. Elle ne me blesse plus, sauf de m'avoir blessé.

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topotore - dans Extraits de livres