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25 décembre 2012 2 25 /12 /décembre /2012 20:49

Septembre 2009 

 

L’occupation majeure de ce peuple est de survivre.

L’occupation de ses terres en fait un enfer depuis soixante ans.

 

La nouvelle a vite fait le tour de la bande de Paca. Personne n’ose pourtant y croire. La famille Florian dont le fils aîné avait disparu depuis plus d’un an, doit récupérer le corps de son fils de toute urgence en raison du manque de place dans la morgue de l’Hôpital de la Conception. Le père se fait accompagner de nombreux amis et demande à son épouse de rester à la maison, Rue Benoît Malon, petite rue près du Boulevard Chave dans laquelle tout le monde se connaît. Un beau drap blanc aidera au transport macabre. Tous savent enfin que le jeune homme n’a pas survécu à son emprisonnement et encore moins aux tortures que l’armée d’occupation se défend de pratiquer.

Devant la morgue, François sent monter en lui des sentiments de haine et demande à ses amis de le soutenir très fermement dans l’épreuve. Quand le tiroir est tiré, François fait un signe discret de la tête afin d’autoriser le soulèvement du linge blanc qui recouvre le corps.

Devant l’horreur du spectacle, les hommes serrent les poings et rentrent leurs regards en dedans, pour éviter de voir. Ce qui frappe en premier, c’est la grande cicatrice qui va du cou au pubis. Elle est grossière et boursouflée, ressemblant plus à une fermeture éclair qu’à une réparation chirurgicale. « Ils ont pris les organes de mon fils ! » laisse entendre François dans le souffle qui précède son évanouissement.

Quand il revient à lui, il ne reconnaît pas le visage de ce mort. Mais ses amis lui expliquent le fait. « François, les chirurgiens ont pris ses yeux aussi. Ses beaux yeux bleus ! »

 

Comme des automates, les hommes entourent le corps du drap et quittent la morgue sans même adresser le moindre signe au gardien. Ils remontent la Rue Ferrari jusqu’à la Rue de Bruys en cortège lent et silencieux. Quand ils arrivent devant la maison, tout le quartier est là. Tous veulent voir le corps afin d’avoir la preuve des rumeurs qui déjà circulent au travers de toute la ville. François demande à son épouse de rester dans la maison, lui assurant que le corps serait à eux, et à eux seuls durant toute la nuit, puis il ouvre le drap et montre à tous les traces de cette chirurgie grossière.

 

Dans la nuit, avec un courage incroyable, François éventre le corps et sort de l’ouverture une grosse mèche de coton. Demain, il exposera ce corps, en parcourant les petites rues voisines le plus longtemps possible afin que chacun sache. Il ira lentement jusqu’au cimetière Saint Pierre, entraînant dans son sillage un maximum de gens.

 

Ils furent plus d’un millier. L’armée d’occupation n’a pas bronché. L’enfant est enterré, mais pas tout entier. De telles horreurs risquent de marquer les esprits. Combien de générations faudra-t-il pour tourner les pages de l’histoire lugubre de l’occupation ?

 

 

 

 

 

 

 

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