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23 décembre 2012 7 23 /12 /décembre /2012 16:54

    Août 2009

 

L’occupation majeure de ce peuple est de survivre.

L’occupation de ses terres en fait un enfer depuis soixante ans.

 

 

Rue d’Italie déserte ! Boulevard Salvatore bloqué ! La préfecture barricadée ! Les chars Marta-Drasaud armés sur la Place Castellane ! Cinquante véhicules blindés tout le long du Boulevard Baille ! Nous restons blottis dans la cave, Andréa, mon épouse, et les quatre enfants, Lila, Célia, Yan, et Loïc. Le tout petit poste grésille dans mon oreille. Radio Paca ! Une radio clandestine que quatre jeunes journalistes alimentent depuis quelques planques dont ils ont le secret, toutes les vingt minutes pendant trois minutes. Je crois qu’ils ont beaucoup de complices dans les immeubles, organisés en réseau, avec certains dissidents de Charly FM, qui soutient désormais les occupants, sans le reconnaître.


Encore cinq minutes avant la petite communication, cinq très longues minutes !

« La Finance s’apprête à donner l’assaut dans tout le quartier entre la Rue de Rome et le Cours Lieutaud. Des hélicos tournent au dessus de la zone. L’armée est positionnée. Elle attend probablement le couvre feux pour procéder, selon ses méthodes favorites, aux incursions de nuit. Nous conseillons à toutes les familles de tout faire pour que leur progression soit retardée au maximum. Déplacez les meubles s’il le faut jusqu’aux portes d’entrée, essayez de vous grouper dans les espaces réduits et faites les morts. Ils perdent beaucoup de temps à transporter les corps. Nous sommes partisans de la non-violence. Vous pourrez justifier de n’être pas résistants mais simplement terrorisés. Terminé ! »

 

Dans mon sous-sol, une porte dérobée ouvre sur un tunnel que j’ai aménagé pour que nous puissions y rester quelques heures. Mais nous n’avons pas d’eau, excepté cette goutte qui tombe régulièrement d’on ne sait où, et qui remplit le grand seau que j’ai eu soin de positionner à l’avance. Nous ne l’avons encore jamais bue, mais son aspect n’est pas repoussant, et son odeur est tout à fait neutre. Espérons qu’elle sera potable ! Une toute petite lampe de poche dotée de trois LED nous permet encore de profiter d’une petite lueur quand c’est nécessaire. Mais je l’utilise le moins possible parce qu’il me sera très difficile de trouver des piles pour les remplacer.

 

Ce que je crains le plus, c’est qu’ils détectent la présence humaine par leurs détecteurs infrarouges. Aussi le tunnel s’avance-t-il jusqu’à une vingtaine de mètres de la porte dont j’ai soigné l’isolation en accumulant les cartons depuis trois ans, pliés avec soin, et disposés en plusieurs couches séparées par un espace d’air statique. Nous sommes allongés sur d’autres cartons qui nous isolent du sol argileux et cherchons à respirer lentement, sans bouger.

 

Avec précautions, j’avais travaillé dans les règles de l’art pour que le tunnel présente un maximum de sécurité. Dans le Parc du vingt sixième centenaire restaient de nombreuses traverses de chemin de fer dont nous avions pensé qu’elles pourraient servir un jour. Et avant que mon break ne soit interdit de circulation, j’avais fait un grand nombre de voyages avec mon cousin pour acheminer un maximum de traverses. Ce sont elles qui étayent maintenant mon tunnel. Jamais je n’aurais pensé qu’un jour il me faudrait m’y cacher comme un rat !

 

Je pensais à toutes journées d’insouciance, quand un tremblement nous sortit du silence. Je regardais ma montre furtivement, celle de ma communion qu’il me faut remonter tous les jours, et fus étonné qu’il se soit écoulé déjà trois heures depuis notre installation. Il se peut que nous ayons dormi. Je remets la petit radio sur mon oreille juste à temps pour l’émission.

 

« Courage à tous les résistants du quartier ! Les militaires ont bien du mal à progresser grâce à votre passivité ! De nombreux blessés mais aucune fusillade ! Les blessures ne sont pas graves, en général, seulement quelques coups de rangers dans les côtes et des chutes dans les escaliers. Il semblerait que les militaires se découragent et qu’ils n’aient jusque là trouvé aucune arme. Leurs certitudes au sujet des terroristes cachés dans cette zone n’étaient qu’un prétexte pour s’entraîner encore à de telles incursions nocturnes. Bravo les résistants !»

 

Les grondements n’ont plus cessé pendant une bonne heure, puis tout devint calme. J’ai pensé que les chars étaient partis. Il me faut attendre encore vingt minutes jusqu’à la dernière émission du soir.

 

Le temps est passé ! Nous n’avons plus jamais capté cette radio. Nous saurons un jour ce qu’il est advenu des ses animateurs. Je crains le pire ! Les prisons de l’armée d’occupation ne sont pas des jardins d’enfants, et les interrogatoires musclés ne laissent pas de bons souvenirs.

 

Il est tout de même incroyable que les puissances financières puissent agir de la sorte : détruire toute une population ! Tout doucement ! Lentement ! Sur plusieurs générations ! Détruire ! Détruire ! Le fric, une nouvelle religion !

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