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29 mars 2008 6 29 /03 /mars /2008 11:45

De la vitesse il faut parler comme en souvenir me revient cette histoire récente d’une rencontre dans le désert.

 

Un occidental dévoué dans quelque ONG promenant en 4 x 4 dans le désert, ce qui déjà fait signe des temps, roule sur la piste à côté d’un homme qui marche. Les pans de son habit blanc flottaient dans le vent, parallèles au bout lâché de son turban bleu.

 

« Puis-je vous rendre service et vous mener au bout de votre chemin ? » Lui demande-t-il en ayant cette profonde conviction de bien faire. « Non merci !» Répond l’homme qui marche avec sa lourde musette en bandoulière.

« Mais je vous vois déjà fatigué sous les premiers rayons de soleil dont la chaleur va aller croissante ! Montez, vous gagnerez du temps et vous économiserez beaucoup de peine. »

 

En réponse, le sage du désert comme je l’appelle maintenant, ne répond ni sur le gain de temps, ni sur l’économie de sa peine. Il dit simplement que ses parents lointains, ceux qu’il ne visite qu’une fois par an, ne l’attendent qu’à la prochaine lune, comme tous les ans.

 

Il continue à marcher selon son rythme, non sans saluer l’européen qui file dans un nuage de poussière.

 

L’informatique, ou plutôt l’information automatique, nous donne les moyens de suivre les événements du monde entier en temps réel. Aucun temps de réflexion n’est plus accordé aux pros de l’info qui sont devenus les facteurs de l’AFP.

Le facteur à l’ancienne prenait le temps de chevaucher son vélo pour répandre les nouvelles et distribuer le courrier à chacune des portes. Chaque lettre était personnalisée à l’adresse d’un seul et provenant d’un seul.

Le facteur moderne répand les publicités et distribue les factures automatisées adressées à un seul le plus souvent redevable et provenant de personne sinon d’un ordinateur. On comprend qu’il lui soit demandé de faire vite ! D’ailleurs, de plus en plus d’organismes proposent la facture en ligne. Gain de temps, économie de peine. Par contre, au final, ce sera plus cher car les dégâts provoqués par la disparition des emplois ne se chiffrent qu’en perte.

 

Le train va plus vite. Il coûte aussi plus cher. La SNCF réalise des bénéfices pour la première fois depuis plus de cinquante ans et peut-être plus.

Circuit court : plus vite, plus cher, plus rentable, mais pour qui ?

L’autoroute permet d’aller plus vite. Même  circuit court. Plus vite, plus cher, plus rentable !

Là il en est de tous les transports…

Mais qu’en est-il du transport de l’information ? Il ne suffit plus de la diffuser car la manœuvre sur les boutons ne demande aucune compétence. Il faut ajouter de quoi faire une plus-value. C’est ce à quoi s’acharnent les journalistes, autant sur le papier qu’à l’écran ou à l’antenne. Comme tout le monde est informé comme il veut, et vite, chaque journaliste cherche un angle dont il pourra jouer pour que l’information lui serve à gagner sa vie. Le scandale est porteur. L’affreux excite. Le vulgaire détend. Le scoop ne se joue qu’au dixième de seconde. Le sport permet toutes les folies, toutes les diatribes, toutes les caricatures. L’image trafiquée augmente les ventes. L’actu permet le jeu des devinettes et donne l’espace pour faire de la promotion. Plus rien n’est sain et tout est instrumentalisé pour le profit de quelques personnes bien positionnées dans l’entourage du pouvoir. Ne possèdent-ils pas les moyens médiatiques ?

 

Pourtant, pourtant ! A tant valoriser la vitesse, le rendement, les gains, les plus-values et les bénéfices, autant d’éléments pêle-mêle jetés dans la même besace que seuls portent quelques nantis, l’impossible fin se dessine à l’horizon, dans les deux sens du terme. Fin impossible dans l’illustration horrible d’une destruction massive de la planète, et fin impossible dans le sens d’une finalité hallucinante de bêtise qui intime chaque être à sortir de ce désert d’incompréhension pour rechercher une finalité nouvelle à sa vie. A quoi sert de gagner de temps et de la peine si le terme de l’action n’est pas défini. Il court mais ne sait pas où il va.

L’homme aurait-il perdu le goût de la marche qui comprend bien sûr son propre but.

 

Ce matin même Muhammad Yunus, prix Nobel de le Paix en 2006, pour la création des micro-crédits de la Grameen Bank, sur France-Inter, radio qui n’échappe pas aux critiques précédentes, donnaient ces chiffres : 60% de l’humanité n’ont en partage que 6% des richesses mondiales.

 

En conclusion, il existe un lien directe entre la vitesse et le mauvais capitalisme. Prendre le temps de ne pas courir, c’est déjà mettre un pied dans la résistance et travailler pour une économie du partage. Un pied après l’autre se nomme la marche et c’est beau, la marche.

 

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