Août 2009
L’occupation majeure de ce peuple est de survivre.
L’occupation de ses terres en fait un enfer depuis soixante ans.
Maryse va accoucher. La plus proche des cliniques est à dix minutes à pieds. Moussa, décide de s’y
rendre pour attirer l’attention d’une sage femme. Mais depuis la rue du Docteur Combalat jusqu’à la rue du Docteur Escat, il se demande s’il sera de retour avant que son épouse ait commencé le
travail.
La clinique Bouchard est ouverte et sa maternité aussi. Moussa demande s’il peut mener Maryse pour un
accouchement précipité. La réponse est oui ! Mais il n’y a pas de sage femme. Il n’y a pas de docteur. Il n’y a que des infirmières bénévoles qui font tout ce qu’elles peuvent pour aider les
mamans, avec les moyens du bord. (C'est-à-dire avec rien !) Moussa pense alors à son voisin du dessous qui est médecin et dont l’activité professionnelle s’est arrêtée depuis longtemps, mais
dont le rayonnement se montre sans égal auprès de ses compagnons de malheur et de misère.
En courant, il descend la Rue Edmond Rostand mais rencontre une brigade volante au niveau de la rue
Sainte Victoire.
Vos papiers ?
Voilà !
Pourquoi courez-vous ainsi ?
Ma femme va accoucher d’une minute à l’autre !
Votre adresse ?
Rue du Docteur Combalat n°8, 3°.
Profession ?
Sans, depuis cinq ans !
Avant ?
Conducteur de métro !
Syndiqué ?
Non !
On va vérifier !
Messieurs, il me faut aider ma femme !
Les gens qui courent sont suspectés.
(...)
Bien souvent, ils ont fait quelque petite affaire et se dépêchent de rentrer.
Je viens de la clinique Bouchard. Il n’y a pas d’affaire possible. Plus rien !
Videz vos poches !
Fouillez-moi, si vous voulez, mais faites vite !
On n’a pas d’ordre à recevoir des rats de tunnel !
(...)
Tu vois ! Cher collègue ! Il ne dit rien. Qui ne dit rien consent !
Messieurs ! Je n’ai jamais fait de politique et ne suis pas syndiqué. La seule chose qui me
préoccupe là, c’est ma femme.
Un plus ! Progéniture captive ! Profits assurés ! Croissance parallèle entre produits
dérivés et démographie galopante ! Crois moi, collègue, la puissance libérale non seulement s’adapte et s’assouplit mais s’amplifie à cause de la natalité des bêtes de trait ! Dommage
qu’il y ait tant de terroristes à Marseille. La bande de Paca, c’est eux qui la veulent !
Je ne comprends rien à vos propos, puis-je disposer ?
Quand est-ce que vous allez comprendre ? Soit vous rentrez dans le rang et donnez votre vie pour
l’idéologie dominante qui augmente votre niveau de vie, soit vous devenez terroriste.
Je n’ai pas la tête à réfléchir ! Puis-je disposer ?
Ne vous inquiétez pas ! Si ça ne marche pas cette fois ! Vous remettrez ça !
(...)
Bon ! Allez ! Partez, en espérant que ce sont des jumeaux !
Moussa était déjà loin et depuis longtemps laissait glisser les humiliations.
Quand il ouvre la porte de l’appartement, il sait que l’enfant n’est pas vivant, à la seule tête du bon
médecin qui s’est déplacé d’un étage, saisi par les appels de Maryse qui souffrait les douleurs. « Je n’ai pu sauver les deux. J’ai choisi de sauver la mère. Il me faudrait de l’eau et la
faire chauffer un peu. J’ai dû tirer de toutes mes forces, c’était un siège. La pauvre est un peu déchirée mais elle va s’en sortir. Il me restait des flacons d’alcool et des compresses. Je vais
arranger ça !
L’occupation c’est tous les jours des drames chez tous ceux qui la subissent.
Moussa espère encore.
Que la bande de Paca ne soit pas la pire de toutes !